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Une chasse au Dragon

C’était il y a fort fort longtemps dans un pays fort fort loin  …

 

Non, c’était à Mons (bien que le Borinage…), le siècle passé (dans les années 70). Atteint depuis mon plus jeune âge de maquettisme aigu, le mal empira lors de mon adolescence. A peine mon argent de poche touché, je me précipitais chez Briquet, un magasin de Mons, temple du train électrique et du modèle réduit.  

A quarante ans de distance, j’ai beaucoup de mal à me souvenir des merveilles découvertes dans ce magasin. A chaque visite c’était un modèle de chez Revell, Airfix, Frog ou Heller qui revenait à la maison.

Je ne me souviens plus non plus comment j’ai appris que la Force Aérienne a utilisé des DH.89 Dragon Rapide. Je pense que c’est lors d’une visite à ce qu’on appelait alors le « Musée de l’Air » de Bruxelles que j’ai du voir celui du Musée. L’avion à l’époque était déjà en chantier. Fasciné par cet avion aux formes si délicieusement britannique, j’ai commencé à chercher un modèle réduit de cet appareil.

A 12 ans, j’ai fréquenté le club de modélisme de mon école. C’est sans doute là que j’ai vu un catalogue de la marque Frog. Illustré par un Avro Shackleton et un Armstrong Whitworth Whitley. Parmi d’autres bijoux permettant de réaliser des modèles « belges une fois », Spit XIV ou Meteor IV, un Dragon rapide.

Après avoir construits des Frog Spit XIV ou Meteor IV, je me mis à la recherche du Dragon. Semaine après semaine, je me rendais chez Briquet mais pas de trace du DH.89. A chaque fois, même question à la charmante dame qui tenait le magasin : « Madame, auriez vous le Dragon Rapide ? ». Il ne perdait jamais patience mais visite après visite, nul Dragon à l’horizon. Elle s’informa auprès des représentants, fouilla dans le catalogue. Le Dragon avait disparu.

Bien plus tard, la marque française Heller nous gratifia d’un fort joli Dragon Rapide après le fabricant britannique Aeroclub. Quelques années plus tard, je fis partie de l’équipe qui restaura le Dragon du Musée de Bruxelles. Le mystère du Dragon de Frog restait entier. Encore plus lorsque Frog cessa ses activités. Repris par une compagnie russe, la maquette du Dragon ne fit pas surface.

 

Le Dragon Rapide du Musée de Bruxelles

Il y a trois ou quatre ans, lors d’une visite dans un lieu de perdition consacré à l’aviation ancienne, je tombe sur des caisses de vieux modèles réduits incomplets, cassés ou qui ont été abandonnés en cours de montage. Destiné à la poubelle, on me donne l’autorisation de récupérer ces vestiges. Et dans une des caisses, un petit biplan bleu clair incomplet : Un Dragon Rapide.

Une recherche sur Internet semble confirmer qu’il s’agit bien du modèle Frog. Il lui manque une partie d’un capot moteur, sa verrière et aucun des vitrages latéraux n’est présent. N’empêche comme un archéologue, faute d’avoir trouvé un diplodocus vivant, j’ai trouvé ce qui semble être un beau fossile.

 

Depuis quelques temps, un certain intérêt pour les modèles réduits anciens s’exprime sur des pages Facebook, des annonces sur Ebay, voir des sites internet. J’y ai déjà trouvé des raretés comme l’Aero Commander d’Aurora, autre marque disparue. En me promenant sur Ebay, je trouve en juillet un autre Dragon de Frog. Au moins cela confirme que le dinosaure est bien le Frog. Il a l’air complet, monté et peint dans les standards des années soixante (c’est-à-dire un peu raté). Je tente ma chance mais j’ai affaire à un concurrent qui systématiquement augmente les enchères. Je jette l’éponge. Le modèle partira à 80 pounds.

Dépité, je cherche s’il n’y aurait pas un autre. Et Bingo, il y a une boite originale en vente pour 20 Dollars. Le modèle est à San Diego en Californie mais l’occasion est trop belle. Je vous passe les péripéties de l’envoi qui fait le tour des Etats Unis. Heureusement il arrive en Belgique et n’intéresse pas les douanes. C’est livré sans frais supplémentaires. La boite date mais elle est complète et le contenu est comme s’il avait été fabriqué hier. A l’ouverture de la boîte, j’ai confirmation définitive que le fossile est bien le modèle de Frog

Le contenu de la boîte

Le mystère de la disparition du modèle Frog des magasins a aussi trouvé une explication. Le modèle apparaît en 1959 (il est donc aussi vieux que moi). Début des années 60, Frog passe un accord avec la société Meccano France et cède à cette société certains de ses moules. Ceux-ci disparaîtront dans l’existence tumultueuse de la société des Hauts de France. Les moules du Dragon Rapide faisait partie de cette transaction. Le modèle n’est plus commercialisé par Frog à partir de 1964

Voilà donc la fin heureuse de cette chasse au Dragon longue de plus de cinquante ans. Prenant sa source à Mons, il ne pouvait en être autrement (à cause du Lumeçon) et cela démontre une fois de plus qu’en aviation rien n’est impossible si on est patient et tenace.

Me voilà déjà (ou encore) reparti en chasse d’une photo de l’habitacle de l’observateur du Fairey Fox ou du Ansaldo Ballila de l’Aéronautique Militaire Belge, en espérant que ça ne prendra pas 50 ans.

https://www.frogmodelaircraft.co.uk/

 

 

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